Interview d'Axelle "Psychée" Bouet, illustratrice, romancière et créatrice de jeu de rôle - Créatrice fullstack
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Interview de l'illustratrice Axelle "Psychee" Bouet, illustratrice, romancière et créatrice de jeux de rôle.
Pour nos lecteurs, peux-tu te présenter ?
Axelle « Psychée » Bouet, illustratrice, romancière, créatrice de jeux de rôle, directrice artistique, aussi, avec une formation en communication visuelle. Âgée de 49 ans, je vis avec ma compagne en Suisse, au fin fond du Valais. Je suis donc connue comme illustratrice, créatrice de jeux de rôle et romancière, mais aussi militante féministe et LGBTQ+, principalement dans le milieu du jeu de rôle francophone.
Le monde étant petit, tu es aussi une membre de longue date de JeuxOnline ! Quel est ton parcours sur JoL ?
Houlà, je ne m’en rappelle plus trop, ça a dû commencer peu après la sortie d’EverQuest, premier du nom ; je suis venue chercher des infos sur JOL. Par la suite, j’ai fréquenté le forum régulièrement, pour montrer des dessins, participer aux sections Everquest, puis WoW et, bien entendu Saga of Ryzom, que je connais bien, non seulement pour y avoir joué et rejoué, mais pour avoir été une des collaboratrices freelances de Nevrax. Finalement, j’ai même été modératrice, de la section... heu... je ne sais plus, Aion, peut-être ? Mais cela n’a pas beaucoup duré, une partie des membres et du staff ont commencé à me harceler, non à cause de mon travail, mais parce que j’étais transsexuelle et militante féministe ; surtout le coté transsexuelle qui ne passait pas du tout. J’ai donc démissionné, vers 2009, et je me suis tenue nettement plus loin des activités de JOL depuis.
Je me suis un peu renseigné avant de m’attaquer à cette interview, et j’ai pu dénicher un joli parcours professionnel, et pas que en tant qu’illustratrice. Comment es-tu tombée dans la marmite ?
Ben, en fait, oui et non, enfin, pour résumer, je n’ai pas du tout commencé à travailler dans mon domaine après mes études et j’ai enchaîné longtemps les boulots alimentaires, jusqu’à ce que je décroche, en Suisse, un travail comme directrice artistique dans un département de communication visuelle, pendant le boom internet de l’an 2000. Là, on était un peu plus – beaucoup plus ! - dans ma partie !
Malheureusement, tout a basculé suite à une agression, avec des conséquences ainsi que des séquelles physiques et psychologiques. Je ne me suis relevé que pas loin de quatre ans après. J’ai donc renoué avec mon secteur et le travail en devenant collaboratrice auprès de Nevrax et d’autres maisons de jeux vidéo, et on reparlera des ambiances toxiques, du sexisme, de l’homophobie dans le monde des jeux vidéo. Ça a été d’un côté passionnant, de l’autre, il a fallu que je tape sur des gens, au sens premier du terme, pour me faire un minimum respecter. J’ai un peu bossé pour Ubisoft, au passage, et j’ai raté une place de directrice artistique parce qu’une trans, ça ne leur allait pas ; ce qui a notoirement mis en rogne l’équipe des autres directeurs artistiques et du DRH, qui m’avaient sélectionnée.
Comme tout cela finit par être épuisant et que malgré d’autres opportunités dans le monde du jeu vidéo, j’allais clairement devoir continuer à naviguer dans ce même genre d’ambiance pourrie à devoir mettre des claques à des abrutis sexistes et transphobes, j’ai sauté sur l’occasion quand on m’a proposé des commandes et du freelance dans le monde du jeu de rôle. Moins bien payé, clairement, mais je n’ai pas hésité : du jeu de rôle, j’en pratique depuis que j’ai 11 ans, c’est ma seconde passion après le dessin !
Et cela tombait bien. Parmi les séquelles de mon agression, je suis devenue migraineuse chronique, avec deux à trois crises par mois, le genre de plaisanteries qui dure 48 à 72 heures ; trouver, même en Suisse – oui les Suisses sont, en général, des gens très compréhensifs et très ouverts d’esprit – un travail en entreprise dans ces conditions, c’est impossible. Alors, entre 2012 et 2014, je me suis lancée dans le travail d’illustratrice indépendante, principalement pour le monde des jeux de rôle et du livre... et comme si cela ne suffisait pas, en 2015, j’ai sorti mon premier roman, qui, à ma grande surprise, a eu du succès et a commencé à me faire connaître ; c’est là que, sur un coup de folie, avec deux amies, on s’est lancé à écrire et à créer un jeu de rôle sur l’univers de mes romans. Une vraie folie et je confirme, pour avoir achevé ce travail qui a pris quatre ans en tout : faire un jeu de rôle et l’éditer pour le grand public, c’est de la démence, à ne pas essayer si on n’est pas très motivé. Mais là encore, tandis que j’avais sorti le tome 2, puis le tome 3 de ma saga de romans, le jeu de rôle a eu un grand succès, ce qui m’a offert une reconnaissance et une petite célébrité dans le monde du jeu de rôle, devenu mon univers professionnel.
Vala, pour le parcours !
Pour ton métier d’illustratrice, quel est ton parcours ? Qu’as-tu réalisé comme études ?
En fait, mes études, c’est juste les Beaux-Arts en école de bande dessinée ; et encore, je n’ai pas fini les cours, pour des tas de raisons divers. J’ai largement appris seule, mais en suivant des méthodologies, des livres, des techniques – et pour le coup, merci les Beaux-Arts, mais merci aussi mes profs d’arts plastique de lycée, quand j’étais en classe A3 (Lettres et Arts). J’ai donc commencé avec le papier, les crayons, les aquarelle, les acryliques, les huiles, et pour faire de la maquette et de la publicité, des ciseaux, la colle et la photocopieuse. Et j’ai beaucoup appris en formation sur le terrain et à travers tout ce que je trouvais à lire et ingurgiter.
En fait, l’anatomie artistique, la perspective, les couleurs, les éclairages, les montages, la mise en scène, les styles, l’encrage, la composition tout cela, ça s’apprend, et chaque terme est une technique à apprendre. Qui dessine pour le simple plaisir s’en fiche un peu, il apprendra sur le tas. Pour moi, c’était une nécessité, aussi bien personnelle que professionnelle. Du coup, je suis une brêle en perspective ! Bon, c’est surtout que je déteste ça...
L’ordinateur avec internet a été pour moi une révolution : d’abord parce que dessiner sur ordinateur a nombre d’avantages ; non ça ne va pas plus vite, non ce n’est pas réellement plus facile, l’ordinateur ne fait pas les choses à notre place. Par contre, ça permet d’envoyer des fichiers numériques à l’autre bout du monde et d’avoir des clients partout. Et Photoshop (même si y’a désormais aussi bien, comme par exemple Clip Studio, bien moins onéreux), c’est quand même énorme pour dessiner et peindre.
Mais l’autre avantage d’internet, c’est que cela me permettait de trouver encore plus de sources, de méthodes, de guides de travail. J’ai énormément appris grâce à toutes les ressources d’internet. C’est même ainsi que j’ai découvert mon mentor, Pierre le Pivain, quand, en 2014, j’ai remis à zéro toute ma pratique artistique pour réapprendre à dessiner. Il m’a épaulée, conseillée, formée, emmerdée, aussi, et pour le meilleur au vu de mes résultats aujourd’hui.
Après combien de temps as-tu pu gagner ta vie de ta passion ?
Je ne la gagne toujours pas vraiment ! Soyons claire, si je vivais seule, je serais au seuil de pauvreté et j’aurais du mouron à me faire en ce moment. Mais disons que je suis arrivée à un minimum raisonnable, à partir de 2017, sachant que c’est à partir de 2012-2013 que j’ai dû renoncer à travailler en entreprise.
As-tu un genre d’univers que tu affectionnes plus que d’autres, à dessiner ?
Ho que oui ! C’est clairement le style Cape et d’Epée, les références historiques du XVIème au XVIIème siècle, avec donc, les pirates, les mousquetaires, etc. J’aime aussi beaucoup la science-fiction, mais cette dernière exige un type de style dans lequel j’avoue que je suis moins à l’aise. J’aime aussi beaucoup les styles Western et Diesel-punk, mais on m’en demande assez peu.
De tous tes travaux d’illustratrice… quel est celui que tu as préféré réaliser ?
C’est sûrement le travail que je fais en ce moment même, avec le jeu de rôle Ynn Pryddein, car son auteur est un médiéviste spécialiste de la culture celte et il est très pointilleux sur la cohérence historique. Je dois donc suivre ses consignes, faire des recherches de styles et de cohérence, je dois trouver comment inventer sans jamais sortir du cadre précis qu’il me donne, et c’est clairement passionnant, car c’est un vrai défi à relever.
Et bien sûr, il y a tout le travail que j’ai fourni pour le jeu de rôle Les Chants de Loss. Mais bon, c’est mon bébé à moi, ça aurait été dommage que je ne sois pas passionnée à dessiner pour lui !
Je vois que tu travailles aussi en digital painting. Est-ce que le passage au travail par ordinateur est difficile pour un illustrateur ? Et est-ce vraiment nécessaire pour se faire connaître de nos jours ?
Alors, est-ce que le passage au dessin numérique est difficile ? Non. En fait, c’est littéralement la même chose que le papier, sauf que vous pouvez sauvegarder votre travail en cours de route et que donc, les accidents d’encre qui bave ou de pot de peinture qui tombe n’arrivent plus. Et, en fait, sauf à dessiner uniquement papier, crayon et encrage aux feutres, le dessin numérique n’exige pas plus d’investissement financier. Il est juste plus important au départ, il s’étale sur moins dans le temps.
Est-ce que c’est nécessaire pour se faire connaître ? De mon expérience, cela facilite les choses pour montrer son travail et le diffuser, sans compter que cela coûte, sur la durée, moins cher, même si ça peut se discuter. Mais un scanner ferait aussi bien l’affaire. Ceci dit, encore une fois, il y a les aspects pratiques qui rendent l’usage de l’ordinateur et de la tablette graphique un peu incontournable. Mais ce n’est pas du tout obligatoire... à la condition d’avoir un bon scanner !
Comment est-ce qu’un illustrateur peut gagner sa vie avec sa passion ? Choisis-tu de gros projets ? Travailles-tu à la planche ?
Alors, si un illustrateur veut gagner sa vie avec sa passion, il a meilleurs temps de trouver comment se faire embaucher dans une équipe de design et conception de jeux vidéo, voire de films. Pour tous les autres, même les meilleurs, on est un peu tributaires du moindre accroc au marché du travail, de l’inflation, des crises économiques, comme tous les indépendants. Et, sauf les meilleurs des meilleurs, qui ne roulent pas sur l’or, on bouffe tous de la vache enragée. Oui, je sais, ce n’est pas flatteur, mais autant être honnête. Ceci dit, si vous avez la motivation et comprenez qu’un tiers de votre travail sera de vous faire connaître partout autant que possible, il est possible d’arriver à se faire un petit salaire, par exemple dans la pub d’affichage, dans les couvertures de livre, etc.
Personnellement, je travaille à la commission, chaque facture inclut des produits, et selon la commande demandée, le prix fluctue selon la complexité, l’urgence, etc. Je facture donc à la « planche » comme tu dis ; je préfère dire que je facture à l’illustration. Oui, je privilégie les gros projets, mais il m’arrive souvent de faire des dessins pour des particuliers.
À côté de tes talents d’illustratrices, tu t’es lancée dans l’écriture et tu es l’autrice de plusieurs romans. On en reparlera sûrement sur JoL, mais peux-tu nous parler de tes travaux ?
Heuuu... je ne sais pas quoi dire, là, moi du coup ? Ben, donc, oui, je suis devenue romancière, un peu sur un pari, surtout pour passer par-dessus une crise de la page blanche : je ne dessinais plus depuis plus de six mois. Écrire m’a vite passionné, a nourri mon imaginaire ; le travail de recherche et de documentation pour créer le cadre et l’univers des Chants de Loss m’ont fourni énormément d’inspirations et, très vite, cet univers est devenu ma Muse. C’est de lui que je m’inspire quand je dessine pour moi.
Quant aux romans, il s’agit d’une saga Da Vinci-punk, abordant les thèmes du sexisme, du patriarcat, de l’injustice, avec une dose assez importante de violence et d’émotions fortes, mais racontant une aventure échevelée, qui, bien sûr, a des aspects très Cape et d’Épée, ou encore aventures Pulp.
Voici le pitch de la saga :
Les Chants de Loss racontent l’histoire de Lisa, terrienne perdue sur Loss ayant commencé au plus bas de l’échelle sociale ; brisée et asservie, traumatisée, conditionnée, croyant avoir tout perdu, elle reconquiert de son intelligence et de son courage sa liberté dans un monde sexiste, aussi cruel qu’il est merveilleux et exotique. Mais elle est Chanteuse de Loss, elle détient un pouvoir ravageur et irrésistible. Une arme que rien ne peut arrêter.
Elle devient un outil, puis l’étendard d’une lutte pour la liberté, celle d’une partie des peuples des Mers de la Séparation. Emmenés par des idéaux de progrès humain, social et scientifique, ceux-ci se battent contre la toute-puissance de l’Église du Concile Divin, empire surpuissant et monstre tentaculaire établi partout, se considérant légitime à diriger le destin des hommes et à leur imposer ses Dogmes.
Cette lutte emporte tout, y compris Loss, elle-même qui, à travers ses chamans, ne peut rester neutre dans un conflit qui dévoile les origines étonnantes et vertigineuses d’un mystère qui perdure depuis la nuit des temps. Qui sont les lossyans ? Comment ceux-ci sont parvenus sur Loss, ce monde qui n’est pas fait pour eux ? Et qui, enfin, apporte sur Loss des humains venus de la Terre, et pourquoi ?
Et tes romans ont abouti… à ce que tu te lances dans la création d’un jeu de rôle basé sur ceux-ci ! Et non seulement tu as écrit le jeu de rôle, mais tu l’illustres aussi ! Ce sont 3 métiers très différents, sur le plan des exigences, non ? Comment fais-tu pour jongler de l’un à l’autre ? Et question bonus… où trouves-tu les heures de sommeil ? Parce qu’en plus… tu gères ta propre comm !! (avec un blog très prolifique !)
Dormir, c’est surfait. Parait que je suis une machine à produire.... Moi, j’aime bien dire que je suis une vomisseuse de texte.
Pour le jeu de rôle, je ne suis, heureusement, pas la seule illustratrice, on était dix dans l’équipe, et j’ai finalement fait moins d’un tiers des illustrations. Y’avait tout une équipe, y compris ma compagne, co-autrice et maquettiste de métier. Je me suis aussi occupée des designs visuels, du logo, de la direction artistique en général, de la gestion d’équipe et de la gestion de communauté, de la pub. Sauf que tout cela, en fait, c’est mon métier, à la base ! Illustratrice, je le suis devenue parce que je ne pouvais plus pratiquer mon métier, et que j’ai donc changé ma passion en profession et, romancière et créatrice de jeu de rôle, ce sont les deux métiers que j’ai appris sur le tas ces six dernières années !
Donc, comment je fais ?... Je ne sais pas ! Ça semble se faire à peu près tout seul, mais pas sans ratés, retards et burn-outs de temps en temps, hein !
Est-ce que ça a été difficile de te faire éditer ? D’abord pour tes romans, puis pour ton jeu de rôle ?
Alors, se faire éditer, c’est difficile en général, mais ce ne fut pas mon cas. Pour les romans, c’est un petit éditeur qui m’a supplié de dire oui et, comme je n’avais pas de prétentions à la gloire avec cela, j’ai accepté et je ne le regrette pas, même si cet éditeur n’a pas de structures pour faire de la diffusion à grande échelle. Disons que maintenant, faudra que je change d’éditeur pour voir plus grand... mais seulement parce que, comme tout le monde, j’aimerais un peu plus de sous.
Pour le jeu de rôle, en fait, on avait quasi fini la rédaction du jeu, quelques illustrations, le site web déjà pas mal complet, avant de chercher un éditeur. On en a contacté 15 ; 7 étaient partants, et on a suivi le conseil de l’une des trois autrices : on regarde celui qui a le plus gros chiffre d’affaire... et vu comment cela s’est passé, on a très bien choisi finalement ! Mais, ceci dit, c’est parce que y’avait une com’ énorme sur les romans et le jeu dans les milieux du JDR qu’on n’a pas eu de mal. Ça, plus – j’espère – la qualité du produit et de sa présentation. Cependant, ça ne se passe pas toujours si bien. Il faut vraiment bosser sa présentation et sa com’ et je suppose que même ainsi, rien n’assure du succès.
Où peut-on trouver tes romans et ton jeu de rôle ?
Facile, suffit d’aller sur ce site : http://www.loss-jdr.psychee.org/
Tout est indiqué ! Regardez le menu ! C’est le bouton Acheter tout à droite. Pour ce qui est des romans, il faut les commander, mon éditeur n’a pas de distributeur. Pour le jeu de rôle, il doit être en boutique, mais en ce moment, le mieux est de le commander aussi.
Question un peu d’actualité, j’espère qu’elle ne te dérangera pas. On est sur JeuxOnline et il y a eu pas mal de sujets sur la situation des femmes dans le monde du jeu vidéo, malheureusement souvent mis à mal. Dans tes passions et métiers respectifs, qu’en est-il ? Es-tu confrontée à des soucis de patriarcat ? Et est-ce que la situation évolue, que ce soit en bien ou en mal ?
Les choses changent, que les connards le veuillent ou non – et ils ne le veulent vraiment pas, ils y résistent de toute leurs forces. Je le vis en direct live, j’ai toute une petite bande de harceleurs qui tente régulièrement de me menacer, m’intimider, pirater mes sites web, etc. Ça m’amuse plus qu’autre chose, mais cela reste stressant et si je m’en tire bien, c’est parce qu’ils sont une poignée peu organisée et que j’ai des appuis solides derrière moi en cas de besoin. Il faut bien comprendre qu'il y a très peu de choses possibles contre ce genre d’activités, pourtant réprimées par la loi. Parce que porter plainte coûte de l’argent, il faut passer par le civil et des avocats, car, à la police, votre plainte – si vous arrivez encore à la faire enregistrer ! - sera classée et basta. Les flics ont déjà trop à faire, pour s’occuper des abrutis harceleurs « anonymes » sur le web.
Les femmes dans le monde du jeu vidéo et dans le monde du jeu de rôle, c’est en fait le même combat – et souvent les mêmes personnes. Et c’est bien un combat aux allures de guerre ; là où ça devrait être simple, tranquille, paisible, la simple présence et demande d’être considérée à égalité, sans sexisme, sans misogynie, reste encore une lutte constante. Néanmoins, une lutte qui porte ses fruits. En 2004, en France, on avait moins de 10% de femmes dans les rôlistes, en 2018, on était à 30%. En Suisse, on est sans doutes à 40% environ. Dans le monde du jeu vidéo, c’est pareil. Les créatrices font maintenant jeu égal avec les créateurs, leur influence est même désormais supérieure – parce que celle-ci est suivie par les femmes, plus actives, plus militantes.
Il fait mauvais temps pour les connards, et c’est pas dommage. Peut-être qu’un de ces jours, je n’aurais ainsi plus besoin de porter le titre de Reine des Feminazgüls... ce qui fait rire l’immense majorité des rôlistes francophones, qui sont plutôt d’accord avec le militantisme féministe dans le jeu de rôle, mais qui, pour une petite minorité d’entre eux, est réellement perçu comme une menace à leurs privilèges illusoires.
Quelles sont tes sources d’inspirations ?
Tout ! Mais si je devais citer des préférences, je dirais Mucha et l’Art Nouveau, les films de Western et de Cape et d’Épée, certains mangas pour la pâte graphique et le méchadesign, les comics noirs & blanc pour le travail de mise en scène et le traitement des ombres et lumières, le graphisme des jeux vidéo coréens pour le traitement des costumes...
Sinon, il y a comme inspis visuelles et littéraires : Conan, le Cycle de Mars, la saga d’Uatsi, le Cycle d’Avalin, la Romance de Ténébreuse ou encore le Sorceleur. Et je suis une fan indécrottable de science-fiction !
Quels sont tes projets actuels et futurs ?
Alors, dans les projets actuels, on travaille au premier supplément pour le jeu de rôle les Chants de Loss, tandis que je prépare la rédaction du tome 4 de la saga des romans. En parallèle, j’essaye de trouver le temps de finir un autre projet, un jeu de rôle générique-contemporain pour jouer les aventures des séries et films d’action, qui se nomme Openrange, qui sera distribué gratuitement en PDF et payant seulement en format papier. Une première version, compilée depuis les fichiers word, est d’ailleurs ici : http://futurimmediat.psychee.org/2020/09/16/tout-openrange-en-pdf-a-telecharger/
Pour les projets futurs, on travaille sur un second supplément pour les Chants de Loss, le jeu de rôle, qui sera un supplément-univers, pour décrire la cité d’Armanth, cœur des aventures dans le monde de Loss. Un gros morceau, qui a pris du retard. Je travaille également sur un autre jeu de rôle, Singularités, un JDR de science-fiction fantastique Solarpunk, dont la présentation est sur ce site : http://futurimmediat.psychee.org/2020/12/21/pitch-et-presentation-de-singularites/
Et avec tout ça, je dois trouver le temps de bosser pour mes clients ! Des fois, c’est rude !
Quels conseils aurais-tu à donner à des personnes qui souhaitent se lancer dans l’écriture ? Même question pour l’illustration ?
Quels conseils... c’est difficile de décider par quoi commencer, mais... le premier est : vous ne pouvez pas faire quoi que ce soit de parfait la première fois. Aussi, admettez que vous allez vous rater, que les premières fois, ce ne sera pas bon. Admettez que vous aurez besoin d’exemples, de conseils, de motivations, de ressources, de documentation et de critiques. Le meilleur des maîtres, c’est l’échec. C’est aussi le plus cruel ; je connais beaucoup, voire trop, de gens qui, face à l’échec, avéré ou attendu, alors qu’ils espèrent la réussite, abandonnent. Ils avaient peut-être du génie dans les mains ou dans l’esprit, mais l’échec ne leur a pas été supportable ; ils ont renoncé.
C’est humain, mais cela veut dire que ce professeur, cruel, impitoyable et nécessaire, qu’est l’échec, est devenu leur bourreau. Des échecs, moi, j’en ai des cartons remplis, j’en ai plein la tête, j’en ai des souvenirs par wagons, entêtants, comme des spectres qui viennent me hanter. Mais j’ai décidé, à un moment, de ne plus renoncer. Chaque raté, et encore une fois, j’en ai eu des tas, m’a appris comment faire mieux, comment recommencer, comment m’améliorer, comment progresser. Il faut s’entêter. Toutefois, cela ne suffit pas ; il faut se confronter à un public, il faut montrer ce que l’on fait ou tente de faire, il faut assumer de montrer ses ratés comme on est fier de montrer ses réussites. C’est ainsi qu’on trouve des critiques, des mentors, des soutiens, c’est ainsi qu’on est encouragé à poursuivre et qu’on trouve des gens pour nous dire comment progresser.
C’est aussi simple... et compliqué que cela. Car il n’y a pas de miracle : pour maîtriser une compétence, il faut passer 10 000 heures dessus. On peut discuter cette thèse, bien sûr : on fait de très bonnes choses sans devoir atteindre à ces dix milles heures de travail mais, d’expérience, c’est ainsi que cela se passe, pour maitriser une compétence, et dire : ok, maintenant, j’ai ce talent. Je ne suis pas née en sachant dessiner ou écrire ; je n’ai pas ces dons. Je ne crois pas vraiment aux dons, ils sont trop rarissimes pour être retenus comme norme. J’ai seulement appris...
Une source de cette thèse (qui n’est donc pas une théorie, elle n’est ni exacte, ni universelle, seulement indicative : https://lesloisdusucces.com/la-regle-des-10-000-heures/ )
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